Dans un nuage de fumée épaisse, elle danse sans se soucier de rien. L'esprit légèrement embrumé par l'alcool, les regards sont sa dernière préoccupation. Admirateurs ou teinté d'une réprobation évidente. Elle s'en moque ouvertement. Seule compte la musique et l'emprise particulière qu'elle a sur elle. Elle savoure chaque note. Le besoin d'oublier dans des nuits rythmées par des airs de jazz profond se fait de plus en plus envahissant. L'alcool coule à flot malgré la prohibition et la danse constitue la principale préoccupation. Lorsque que le jour se lève la jeune femme s'éteint comme n'importe qu'elle étoile et reprend sa vie où elle l'a arrêtée. Elle arpente chaque nuit les cabarets, les boites de jazz ou les speakeasies et danse longtemps sans s'arrêter. Ignorant la fatigue qui se fait de plus en plus ténue, elle semble à la fois partout et nul part.Je me suis toujours présentée sous le prénom de Maya. J'ai vécu à
New York pratiquement toute mon existence. Je suis née il y a de cela
112 ans, c'est-à-dire en
1901, peu avant la Première Guerre Mondiale. J'ai grandi au côté de ma mère et de mon frère au cœur des rues bouillonnantes de Manhattan. Je suis morte à l'âge de
26 ans, il y a déjà
85 ans de ça. Mon histoire n'a rien d'extraordinaire, malgré les instants singuliers que j'ai vécu. Elle est simplement
teintée de la magie que lui confère son ancienneté.These little town blues, are melting away
I fear doubtless,
remediless,
Is now to seize
My woeful chance.Née à New York, Maija a passé toute sa vie (ou presque) dans ce morceau de terre hors du commun auquel on identifie Manhattan. Cette ville sale et bruyante au sein de laquelle elle a pourtant toujours su trouver sa place. Si elle a constamment refusé le prénom qui lui a été attribué à sa naissance, c'est tout simplement parce qu'il ne lui correspond pas. Résonance directe d'origines slaves dont elle ne sait rien, le tout sonne étrangement à ses oreilles. Elle ne sait pas aligner deux mots de russe, pourquoi devrait-elle le subir ? Elle ne se reconnait pas dans ces pays lointains de l'autre côté de l'océan. New York fut de tout temps le seul endroit dans lequel elle s'identifiait véritablement, son chez elle. Elle en a parcouru des kilomètres dans la poussière.
Ce sentiment ne fut qu'exacerbé lorsque sa mère refusa catégoriquement de l'éclairer sur mon passé. En mauvaise santé depuis plusieurs années, elle est actuellement atteinte d'une pneumonie qui par les multiples complications qu'elle a engendré a manqué plusieurs fois de la tuer. Maija travaille dur et depuis un certain temps pour que lui soient fournis les traitements onéreux nécessaires à sa survie. Quant à son père elle ne l'a jamais connu. Un homme de la haute probablement, séduit par la beauté de cette femme désormais détruite qu'est sa mère. Elle n'étais d'ailleurs pas tout à fait le fruit d'une erreur occasionnelle puisqu'elle eu longtemps à ses côtés un demi-frère, Aleksei.
Ce dernier fut toujours son plus fidèle allié. Tout deux entretenaient une relation pour le moins fusionnelle, s'épaulant réciproquement dans les difficultés. Leur vie ne fut jamais simple, mais pour autant relativement heureuse. Ces fantômes qu'ils n'avaient jamais ne serait-ce qu'entrevus, en guise de figures paternelles ayant déboursé suffisamment d'argent pour leur permettre de vivre décemment. Ils sont parvenus à soulager leur conscience, sans pour autant s'investir auprès de leur progéniture et se sont épargné une dégradation inutile de leur réputation. Le frère et la soeur pouvaient être certains d'une chose : leur mère avait su choisir judicieusement ses amants.
Start spreading the news, I'm leaving today
Lo, in this trace,
Now in substance,
such is my dance,
willing to die.Seulement le jour vint ou Aleksei disparu sans crier gare. Il s'effaça brusquement du quotidien de Maija et l'abandonna seule au commande d'un navire qu'elle ne maîtrisait qu'approximativement. Il n'offrit aucune justification avant de disparaître, elle constata simplement un soir l'absence de ses affaires. Il abandonna un visage striés de larmes de colère et le martèlement effroyable dans la poitrine d'une fille de tout juste dix-huit ans. Le "pourquoi ?" douloureux d'une fillette esseulée. La ville de New York qui l'avait choyé lui paraissait tout à coup, étrangement grande et menaçante. Elle avait grandi dans ces rues, mais ne s'y retrouvait plus.
I want to be a part of it
Il lui fallut un certain temps pour s'extraire de la léthargie dans laquelle l'avait placé le départ de son frère. Elle fut néanmoins forcée de s'éveiller bien vite, étant désormais la seule en mesure de prendre soin de sa mère. C'est tout particulièrement à partir de cet événement que la jeune fille se dédoubla pour vivre malgré tout. À un rythme effréné. Il y avait Maija et Maya, l'une diurne faisant face avec ténacité à ses responsabilités, l'autre noctambule et danseuse de cabaret.
L’éducation complète qu'elle avait en grande partie reçue de sa mère avant qu'elle ne soit souffrante lui de fréquenter une grande variété de milieux sociaux. Elle parvint à dénicher un poste de costumière consistant principalement à réaliser avec assiduité les vêtements tels qu'on les lui exposait. Seulement, cet emploi lui permettait d'approcher le Broadway qu'elle admirait tant en oeuvrant dans les coulisses du Palace en tant qu'habilleuse. Elle prenait son envol, malgré toutes les épreuves que cette double vie pouvait impliquer.
« Auparavant je n’avais pas de rêves et ne poursuivais aucun objectif. Je m’y interdisais car je redoutais la déception qui surviendrait, dans le cas où mes espoirs ne se concrétiseraient pas. Un jour j’ai réalisé que c’était eux qui régissaient nos vies et que l’échec n’était pas une fatalité. J’ai commencé à rêver. »My life was lent
Me to one intent.
It is nigh spent.
Welcome, Fortune !en cours...