histoire
Goldella est née à Washington DC, au mois d'août, en 1898. C'est elle qui est arrivée la première, devançant son petit frère Carlton de trois ans. Les quatre ont vécu plusieurs années dans une belle maison avec grand jardin, où les enfants aimaient courir, jouer et se défouler. La fillette s'est vite amusée à se prendre pour la mère de Carlton, et c'est peut-être ce qui rend leur lien si fort aujourd'hui. Ils ont grandi plusieurs années dans la prospérité, à l'abri du besoin grâce à l'emploi d'avocat de son père, qui était réputé pour être un ténor du barreau. Leur mère, Myrlie Bishop, était couturière, et même si le salaire était différent, elle aimait confectionner des vêtements pour ses enfants. Mais après quelque temps passés dans la capitale Américaine, les Bishop ont dû partir à Paris suite au travail de Mr Jeremiah. En effet, une de ses anciennes connaissances avait besoin d'un nouvel avocat pour sa maison de joaillerie, et voyant l'opportunité de découvrir un des plus beaux pays du monde, il n'a pas hésité trop longtemps. Malgré la barrière de la langue, la famille a vite trouvé ses marques. Goldie a continué de grandir dans les meilleures conditions. C'est six ans plus tard que les Américains sont repartis vers leur terre natale, alors que la jeune fille avait 17 ans. La raison ? Le mal du pays, tout simplement. Retournée à Washington et sa scolarité finie, elle a décidé de se consacrer à des études de littérature française alors même qu'elle continuait à pratiquer sa plus grande passion : la peinture. En effet, c'était une véritable artiste que comptait la famille Bishop, depuis le plus jeune âge de Goldie. Malheureusement, la flamme qu'elle entretenait pour le pays des croissants s'est évaporée et elle a rapidement abandonné ses études. Aussi, elle s'est pleinement plongée dans l'art, allant même jusqu'à prendre des cours pour perfectionner sa technique. Entre-temps, elle s'est installée à New York tandis que ses parents et son frère partaient pour la Californie. La demoiselle a vite retrouvé du travail en tant qu'acheteuse d'art, tout ça grâce à son père. Il a réussi à lui trouver une place au sein de la maison Deauxma, la même maison pour laquelle ils avaient dû partir il y a plusieurs années. Depuis, le fils, Louis Deauxma, avait pris la relève et en grand amateur d'art, cherchait à se constituer une collection. C'est Goldella qui décrocha le poste. Et puis, bien vite, tout se dégrada. Elle se sentait effroyablement seule, abandonnée, et trouvait du bonheur qu'auprès des tableaux qu'elle dégotait pour son patron. Aussi, elle eut une idée... Les garder. Grâce à ses incroyables talents, elle réussissait à remplacer les œuvres d'art, donnant les fausses à Louis et gardant les vraies pour son usage personnel, et surtout pour son propre bonheur. Malheureusement pour elle, elle est tombée amoureuse du bel homme. Leur histoire d'amour passionnée dura plusieurs mois, presque un an, jusqu'à ce qu'Alexandra se rende à l'évidence : c'était bien trop dangereux. Elle s'arrangea pour rompre tout en gardant sa place, et les deux restèrent de bons amis, même si lui entretenait toujours des sentiments tendres, comme la brune, il faut bien l'avouer. Malgré tout, elle ne compte pas arrêter ses actes frauduleux de sitôt, vendant les œuvres qu'elle n'apprécie pas, et conservant les autres pour son usage personnel, bien qu'elle ait dû faire une croix sur un amour véritable, qui pourrait supposément remplacer son besoin d'art...
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Lorsque Goldella poussa la porte de la joaillerie Deauxma, une sonnette retentit. Elle posa un premier puis un deuxième talon à l'intérieur, avant de s'apercevoir que la boutique était presque vide. Elle chercha furtivement une silhouette familière entre les vitrines avant de s'en approcher discrètement. Elle manifesta sa présence d'une petite tape sur l'épaule, après laquelle l'homme se redressa.
- Oh, Goldie.
Il lui sourit immédiatement, comme si sa journée s'était éclairée par le simple fait de revoir le visage de la brune.
- J'observais ma dernière pièce. Qu'est-ce que tu en dis ?
Elle lui rendit son sourire, plus timidement, et s'approcha de la parure, qu'elle ne pouvait admirer qu'à travers une paroi vitrée.
- C'est un petit bijou, à mon humble avis. Elle me fait penser à toi, d'ailleurs. J'ai utilisé de...
- L'améthyste. Ma pierre préférée.
Elle se tenait de nouveau droite et considérait l'homme d'un drôle de regard, teinté d'amusement, de fierté, et d'affection. Certes, elle avait rompu avec lui, mais cela n'avait pas diminué les sentiments qu'elle éprouvait pour lui, bien au contraire ; elle se sentait parfois encore plus seule que d'habitude.
Louis ne quittait plus Goldie des yeux. Elle était si belle, et il rêvait de la revoir depuis si longtemps. Un long mois s'était écoulé depuis qu'elle lui avait annoncé devoir partir à Paris pour écumer les ventes aux enchères. Il faut dire que même s'ils restaient proches, passer ses soirées avec elle, en un couple amoureux et uni, lui manquait horriblement. Il s'efforçait de ne pas le montrer, mais son cœur était meurtri, comme celui de la jeune femme. D'ailleurs, elle avait à guère passé plus de deux semaines à Paris, ayant consacré les deux restants à reproduire ce qu'elle avait rapporté. La concernant, lui mentir n'était pas une tâche difficile puisqu'elle avait appris à le manier, avec le temps. Ce mot lui faisait horreur. Comment pouvait-elle dire de quelqu'un qu'elle le « maniait », surtout de Louis ! Lui qui était probablement l'amour de sa vie... Pendant qu'elle admirait l'homme qui se tenait devant elle, il rompu soudainement le silence qui s'était installé au profit de regards croisés.
- Au fait, comment s'est passé ton voyage à Paris ?
- Oh, très bien. C'est aussi beau que dans mon souvenir. J'ai revu quelques amis, et me suis immiscée dans cinq ventes. Malheureusement, je n'ai pas trouvé ce que je voulais pour toi. A vrai dire, je n'ai réussi qu'à ramener une œuvre...
Elle prit la liberté de poser l'étui qu'elle portait sur une grande vitrine, avant de l'ouvrir devant les yeux rapidement ébahis du français.
- Est-ce que... Est-ce que c'est ce que j'imagine ?
- Oui, c'est bien un Renoir.
Goldie affichait un large sourire exprimant son immense fierté, tout d'abord d'avoir pu trouver un authentique Auguste Renoir, mais aussi d'avoir réussi à l'imiter à la perfection.
- Comment tu les trouves ?
- Goldie... Mais c'est un Renoir !
Il se précipita vers elle pour l'embrasser comme il l'aurait fait il y a quelques mois, mais préféra finalement l'enlacer.
- Je ne sais pas comment te remercier. Tu as réussi à dégoter une peinture que je recherche depuis des lustres !
Le blond semblait visiblement surpris mais absolument irradiant de bonheur, comme un enfant devant la vitrine d'un magasin de jouets.
- Je sais ! Je vais t'offrir la parure d'améthystes.
- Quoi ?! Louis, je me contenterai largement de mon salaire, tu ne me dois rien, c'est mon travail !
- Arrêtes donc de faire ta modeste, et accepte ce cadeau.
Une moue se fraya un chemin sur les fines lèvres de Goldella, et elle le remercia chaleureusement, en se demandant comment est-ce qu'elle pouvait lui mentir de la sorte.
- Mais dis-moi, comment est-ce que tu as fais ? C'est une œuvre inestimable, un monde fou se damnerait pour l'avoir... Et tu me l'as ramène ! Allez, quel est ton secret ?
Son secret ? Eh bien... L'intelligence, en premier lieu. Celle d'avoir un carnet d'adresses bien rempli et de bons noms. Celle de ne pas avoir abandonné le Français et de pouvoir travailler dans un pays tant réputé artistique que la France. Mais aussi, une certaine dose de sournoiserie et de fourberie qui font d'elle une cliente redoutable. C'est ce qu'elle s'est dit lorsqu'elle a menacé le commissaire priseur de révéler son adultère à sa femme, en jurant avoir le témoignage écrit d'une certaine Leah Templeton. Elle était plutôt fière d'avoir aussi bien trompé l’œil du professionnel en falsifiant l'écriture de sa maîtresse, par ailleurs. Il lui avait suffit de bousculer la femme dans la rue et de lui dérober discrètement un carnet pour procéder à de maints et maints essais pour finalement parvenir à écrire toute une lettre. Aussi, le marteau s'est abaissé à toute allure sur son support, laissant la propriété du bien à Mr. Louis Deauxma.
- Je vais te dire, Louis, une acheteuse d'art de ma trempe ne révèle jamais son secret, là est son plus gros atout.
Elle lui fit un clin d'oeil et posa les yeux sur la toile avant que l'homme ne referme l'étui qui la protégeait.
- Et si on passait dans l'arrière-boutique, pour examiner cette œuvre de maître que ma brillante acheteuse d'art a acheté pour moi ?
Pour tout signe d'approbation, elle hocha la tête. Alors qu'il traversait la pièce pour se rendre dans une autre, un vieillard les stoppa, laissant les deux associés étonnés de voir quelqu'un d'autre dans la boutique alors même qu'ils la pensaient vide.
- Excusez-moi de vous interrompre, mais j'aimerais me présenter. Je m'appelle Landon Harper, et je suis un des plus grands collectionneurs d'art de la ville.
- Enchanté, monsieur. Vous êtes ici dans ma boutique, et voici Goldella Bishop, une de mes associées.
- Je suis aussi ravie de vous rencontrer, Mr. Harper. Vous pouvez m'appeler Goldie.
L'homme âgé acquiesça sans un mot et d'un air sympathique, comme s'il connaissait les deux individus. En réalité, tout le monde connaissait l'héritier Deauxma, et les amateurs d'art dans son genre avaient déjà entendu le nom réputé de Bishop.
- J'ai malencontreusement entendu votre petite conversation, et je n'ai pu m'empêcher d'y prêter une oreille plus attentive. Ai-je bien entendu, vous êtes en possession d'un Renoir ?
Louis resta dubitatif, hésitant à le lui dire, mais après tout, cette œuvre se retrouverait sûrement dans une de ses expositions privées.
- Eh bien, oui, en effet. Miss Bishop a réussi à m'en trouver un, à Paris.
- Seigneur ! Chère Miss Goldie, je n'imaginais pas que vous étiez aussi douée qu'on le dit !
- Je vois que ma réputation me précède...
La concernée répondit d'un air elle aussi gêné, n'appréciant pas qu'on s'immisce de la sorte dans des histoires privées, surtout entre eux deux.
- Avec votre permission, j'aimerais y jeter un coup d'oeil, un œil averti et surtout ému d'avoir accès à un tel bijou...
- Ma foi, ce serait avec plaisir que je partagerais mon bonheur.
Louis sortit la toile de son étui et la posa sur une vitrine avec mille précautions. Pendant ce temps le beau visage de Goldie avait totalement changé de couleur. Celle qui brillait de par son assurance et sa prudence était en très mauvaise posture face à un collectionneur visiblement passionné et vigilant. Plusieurs minutes passèrent pendant que les deux hommes discutaient, remarquaient, et surtout que le vieillard mettait le doigt sur une ou deux maladresses de la part de la jolie femme.
- Mademoiselle ? Je ne veux pas être insultant, mais... Êtes-vous sûre que c'est un véritable Renoir ?
Goldella blêmit de plus belle, écarquillant même les yeux. Elle qui était restée en retrait pour laisser les deux individus apprécier son œuvre s'approcha et fit mine d'examiner la peinture qu'elle était sûre d'avoir bien reproduit.
- J'en suis absolument certaine, Monsieur. Croyez-moi, j'ai quelques années d'expérience derrière moi, et un talent tout particulier pour déceler le vrai du faux. C'est un vrai Renoir, je vous le garantis.
- Eh bien, loin de moi l'envie de ternir votre réputation d'acheteuse, mais la signature est à mon avis reproduite. Voyez-vous, j'ai remarqué suite à de nombreuses expositions que son écriture a une fâcheuse tendance à décliner au fil des lettres. Or, ici, elle reste droite, partant presque vers le haut.
Aussitôt, la demoiselle vérifia. Effectivement, elle s'était trompée. La signature était clairement étirée sur une ligne montante, et non descendante. Elle était démasquée. Pendant que Louis regardait l'homme avec un regard partagé entre l'incompréhension et l'interrogation, Goldie réfléchit en un éclair, à une vitesse qu'elle dont elle ne se savait pas capable. Puis, elle se redressa et s'écarta de l'oeuvre, la tête haute.
- Avec tout mon respect, je vous conseille de changer de lunettes. A votre âge la vue décline, elle aussi, et on ne sait plus ce que l'on voit.
Elle tourna la tête vers Louis, qu'elle prit à l'écart, laissant l'autre outré.
- Je t'interdis de le croire. J'ai passé trop de temps à négocier et à me tuer à la tâche pour trouver cette peinture, j'ai traversé l'Atlantique, j'ai passé tout un mois sans ma famille, sans mes repères...
Elle respira un grand coup, comme si elle était sur le point de faire une déclaration de la plus haute importance.
- J'ai passé des semaines sans toi, Louis, pour ce tableau. Et finalement, j'ai résisté à l'envie de revenir plus tôt que prévu parce que je la voulais, cette toile. Je la voulais pour toi, je voulais te l'offrir parce que je sais pertinemment que Renoir est ton peintre préféré depuis longtemps et que ça te afficherait un sourire que j'aime tant sur ton visage. Alors, même si on ne peut plus former un couple... Je continue de vouloir te rendre heureux.
Elle se tut juste après, attendant une réponse de son interlocuteur. Seulement, il restait muet. Pas un mot ne sortait de sa bouche, il se contenait de la regarder, de plonger ses yeux dans les siens pour comprendre qu'elle disait la vérité. La vérité qu'il voulait entendre. Il revint vite vers le collectionneur, laissant Goldie plantée seule dans le fond de la joaillerie. Plusieurs minutes s'écoulèrent, pendant lesquelles Goldie s'était assise dans l'arrière-boutique, jouant encore le rôle de la femme nostalgique. Elle ne l'était pourtant pas. Elle n'avait d'ailleurs aucune raison de l'être, puisque son amour pour le Français n'était pas passé, il était encore effervescent et même si elle avait dû mentir pour se sortir de cette sale situation, il y avait encore quelque chose de vrai dans ce qu'elle racontait. Mais alors, elle se demanda soudain pourquoi est-ce que je ne lui dis pas la vérité, pensant qu'ainsi, ils pourraient former un couple uni, et admirer les œuvres achetées par Goldella dans le même salon, blottis l'un contre l'autre. Néanmoins, c'était impossible. Ses actes de faussaire avaient commencé bien avant qu'elle ne tombe amoureuse de lui, et Louis crierait à la trahison, pour ensuite ne jamais lui pardonner. Décidément, elle était tiraillée entre un besoin incompréhensible et un amour dangereux, et c'était pour elle une bonne raison de pleurer, ce que l'homme allait penser être la faute du vieillard. Or, c'était de la sienne.